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Éthique (§1060 à §1093)

Introduction.

§1060) 1. - Définition. Si la philosophie est l'effort de l'esprit humain, selon ses ressources naturelles, pour expliquer l'univers par ses causes les plus générales et les plus élevées, elle ne peut se dispenser d'élucider la destinée de l'homme; car l'homme est un objet sur lequel on interroge spontanément et très légitimement le sage [°1449]. Déjà la Philosophie naturelle et la Psychologie en ont étudié la nature et l'activité consciente; mais c'était au seul point de vue spéculatif. La loi du progrès qui caractérise notre être, pose maintenant un problème pratique: Quel est le but de la vie? En quoi consiste la perfection et le bonheur et comment les atteindre?

La morale a donc pour objet l'activité humaine; non pas ces actes réalisés dans l'homme, «actus hominis», qui lui sont communs avec d'autres êtres, comme la digestion, la respiration, etc., mais les actes humains au sens propre, caractéristiques de l'homme, qu'on peut définir: «les actes qui procèdent de la volonté délibérée». Le domaine de la morale coïncide avec le champ de la liberté.

Cependant, la bonté de cette activité humaine peut encore se prendre de deux façons: ou bien à un point de vue spécial, celui d'un art, par exemple; ainsi parle-t-on d'un bon médecin ou d'un bon orateur, même si l'un et l'autre use de son talent contre sa patrie; - ou bien au point de vue général de ce qui convient à tout homme comme tel; et nous trouvons ici ce qu'on appelle proprement la bonté morale.

On peut donc définir la morale: «la science de la bonté de l'acte humain comme tel».

§1061) 2. - Caractère scientifique de la morale. La morale est une science, non pas spéculative, comme les autres parties de la philosophie, mais pratique ou, comme disent les modernes: une science normative. Son but n'est pas d'expliquer ce que sont les choses, d'indiquer, par exemple, les coutumes en usage dans un peuple et d'en découvrir les lois. Son but est plutôt d'établir les lois que tout homme doit respecter dans ses actes, et les règles selon lesquelles il est nécessaire de vivre pour atteindre la perfection et le bonheur.

Cependant, la morale est une vraie science. L'école positiviste l'a révoqué en doute: pour elle, toute science est spéculative. «Parler, dit Lévy-Bruhl, d'une science normative précisément par sa partie théorique, d'une science législatrice précisément en tant que science, c'est confondre l'effort pour connaître avec l'effort pour régler l'action: c'est une prétention irréalisable» [°1450]. Dans la perspective positiviste, cette objection est irréfutable. Si notre savoir scientifique se borne à observer les phénomènes (y compris d'ailleurs ceux de la vie humaine, individuelle et sociale), pour les classer et les expliquer en dégageant les lois qui les régissent, jamais une science ne sera essentiellement normative.

Mais cette position est arbitraire. Sans nier la légitimité des sciences positives, il faut maintenir aussi la valeur scientifique de nos spéculations sur la nature des choses et sur leurs causes profondes; en particulier, la psychologie rationnelle et la théodicée sont des sciences au sens strict. Or la morale, comme science, est avant tout une déduction rigoureuse à partir des conclusions de la psychologie et de la théodicée: cette double base lui est indispensable, mais elle s'édifie sur elle comme une maison sur le roc.

De là vient son caractère normatif: elle apparaît comme un code de lois qui s'imposent aux activités individuelles comme l'expression de la volonté du Créateur, vue à travers la nature de l'homme. Et, en même temps, la rigueur de ses démonstrations garantit sa valeur scientifique. Sans doute, elle n'explique plus la nature des choses au moyen des causes intrinsèques, comme en philosophie spéculative, ni le comment des phénomènes par les causes efficientes, comme en science positive; elle fait appel aux causes finales, n'ayant d'autre but que de préciser la destinée de l'homme; mais refuser à notre raison la connaissance scientifique de ce domaine, c'est la mutiler arbitrairement. La morale apparaît bien comme une connaissance évidente et certaine, vraiment explicative de ses conclusions d'ordre pratique et, en cela, science authentique, à la fois normative et théorique.

§1062) 3. - Méthode et division. Beaucoup de moralistes modernes, depuis Kant, tout en reconnaissant le caractère normatif de la morale, préconisent une méthode intuitive et expérimentale. Ils présentent d'abord le «fait moral», s'imposant comme donnée primitive, avec ses deux aspects:

1) un aspect externe: la vie morale de l'humanité se manifeste par les moeurs, c'est-à-dire «un ensemble de coutumes, de façons d'agir, de règles de conduite, de commandements et de défenses concernant la vie individuelle, sociale ou religieuse, qui ont cours dans telle société»;

2) un aspect interne, constitué par les «données de la conscience morale» que chacun expérimente en soi. Les modernes distinguent en ces données:

a) un élément intellectuel, c'est-à-dire un ensemble de jugements de valeur, relevant du bon sens moral et de l'éducation, par lesquels nous déclarons tel ou tel acte bon ou mauvais;

b) un élément affectif, c'est-à-dire l'attrait vers le bien, et la joie de l'avoir accompli, comme la répulsion pour le mal et le remords après l'avoir commis;

c) un élément actif, enfin, qui est l'effort et la marche du vouloir vers la vertu [°1451]. La tâche du moraliste serait de justifier ce fait en cherchant un principe capable de l'expliquer.

Mais la conception, établie plus haut, de la morale comme science normative, rend inutile cette laborieuse recherche [°1452]; car les principes justificatifs des lois morales sont déjà solidement démontrés en psychologie et en théodicée. C'est pourquoi tout un ensemble de conclusions relatives à la pratique, qui constituent la partie générale de la morale, sont établies par la méthode déductive.

Mais, note saint Thomas, il est nécessaire en cette science de descendre dans les détails: «Les considérations morales générales, dit-il, ont moins d'utilité, parce que les actions humaines à régler appartiennent au domaine du particulier» [°1453]. Or, en abordant ce domaine très complexe, la lumière des principes déduits à priori ne suffit pas toujours. Il faut alors faire appel à l'expérience, observer les coutumes, les lois, les institutions où se traduit la sagesse des hommes et dont les suites heureuses ou malheureuses peuvent éclairer les problèmes et fournir aux thèses morales de précieuses confirmations. C'est pourquoi saint Thomas déclarait indispensable au moraliste la connaissance de ces faits d'expérience d'ordre moral [°1454].

Or le grand mérite des sciences positives modernes de la vie humaine, histoire, économie, sociologie, est précisément de mettre en lumière de tels faits d'expérience. Nous recueillerons donc les principaux résultats de leurs efforts, comme une introduction de science morale positive soit dans le domaine de l'économie, soit dans celui de la sociologie et de la politique.

Ce traité de Morale comprend ainsi deux grandes parties: une Morale générale où domine la méthode déductive, fondée sur les conclusions scientifiques, établies dans les deux traités précédents; et une Morale spéciale où de larges sections seront consacrées à des exposés de science positive, selon la pure méthode expérimentale.

Première partie. - Morale générale.
Deuxième partie. - Morale spéciale.

Première partie. Morale générale.

b96) Bibliographie spéciale (Sur tout le traité de morale générale)

§1063). L'homme, par sa volonté, oriente naturellement toute sa vie vers la jouissance d'un bien qu'il veut absolu et définitif [Cf. loi de jouissance, §790]. La théodicée a démontré que ce bien absolu existe, réalisant dans le concret la bonté pure: c'est Dieu. La morale générale n'a d'autre but que d'expliciter les conclusions qui en découlent en pratique, et qui constituent les grands principes moraux. Cependant, l'homme est ainsi fait que, tout en restant personnellement responsable de sa destinée et de son progrès vers le bien idéal, il ne peut atteindre celui-ci qu'à l'aide de ses semblables: ces rapports mutuels, voulus et réglés par la nature humaine, constituent le droit naturel.

La Morale générale se divise donc en deux chapitres:

Chapitre 1. - Les grands principes moraux.
Chapitre 2. - Le droit naturel.

Chapitre 1. - Les grands principes moraux.

§1064). Ce qui, le plus souvent, frappe d'abord dans la vie morale, c'est son caractère d'obligation [°1455]. Mais le devoir lui-même doit être justifié, et la méthode la plus efficace reste la voie traditionnelle qui rattache la perfection morale soit à l'inclination de la volonté vers le bonheur, en déterminant le vrai but de la vie, - soit à la sage direction de la Providence, en précisant le concept de loi et de conscience.

En suivant ces règles de vie, l'homme ne peut que se déployer en actions parfaites, comme l'arbre se développe en fleurs et en fruits: c'est d'ailleurs sa loi essentielle, comme être matériel, de commencer par l'imperfection, la puissance, pour atteindre peu à peu, par un progrès lent et continu, toute la perfection qui lui convient selon sa nature, ou son bien qui est sa pleine actuation. Mais, comme nous l'avons dit [§814, sq.], cette plénitude de perfection dans l'agir n'est possible qu'avec l'aide des habitudes, en sorte qu'on peut encore résumer toute la morale en un mot d'ordre: «Acquérir toutes les vertus en corrigeant ou en évitant tous les vices».

Les grands principes moraux concernent donc trois objets dont nous traiterons en trois articles:

Article 1. - Le but de la vie.
Article 2. - La loi et la conscience.
Article 3. - Les vertus et les vices.

Article 1. - Le but de la vie.

b97) Bibliographie spéciale (Le but de la vie)

Thèse 1. 1) Le seul but véritable de la vie, c'est Dieu; 2) ou, au point de vue subjectif, le plein épanouissement de nos activités spirituelles dans la louange et l'amour de Dieu.

A) Explication.

§1065). Quand nous agissons en tant qu'hommes, c'est-à-dire en raisonnant nos démarches, nous donnons nécessairement un but à notre action, et non seulement un but immédiat, mais une fin dernière, but absolu de notre vie, qui commande toutes nos décisions considérées comme moyens pour l'atteindre. Cette intention fondamentale est plus ou moins explicite et consciente, mais elle doit être toujours activement présente, sous peine de voir disparaître notre mode d'agir humain. Ainsi la première condition, la plus profonde et essentielle pour que notre action soit parfaite ou bonne, c'est qu'elle nous conduise à notre véritable but.

Or les hommes ne semblent pas d'accord sur le but à poursuivre. Ils sont unanimes, certes, à chercher le bonheur et à le placer dans la possession du bien: et d'un bien tel qu'il ne laisse rien à désirer. Ce bien absolu laissé un peu dans le vague ou l'abstrait, est ce qu'on peut appeler la fin dernière commune, vers laquelle tout homme tend nécessairement: fond naturel indestructible sur lequel chacun doit bâtir librement et personnellement sa destinée.

Mais précisément le premier acte de cette entreprise consiste à se choisir une fin dernière personnelle, en plaçant dans un idéal concret le but de sa vie. Ici les opinions sont divergentes, comme le montre l'expérience. Mais il n'y a qu'un seul but véritable, et c'est bien la première chose à déterminer pour assurer la bonté de l'acte humain.

B) Preuve.

§1066) 1. - Fin dernière objective. Le but de la vie doit satisfaire pleinement les aspirations de notre vouloir en réalisant dans l'existence la bonté absolue, infinie, dans laquelle il ne se trouve aucune tare [Cf. psychologie de la volonté, §761, sq.]. Or Dieu réalise un tel bien, et de toute évidence, Dieu seul [°1456].

Saint Thomas [°1457] établit la même thèse en excluant successivement tous les biens créés, comme inaptes à rassasier nos désirs les plus légitimes: les richesses et biens terrestres, proposés par les utilitaristes; les plaisirs sensibles, choisis par les épicuriens; la gloire et la renommée qui n'est pas le bien, mais le suppose, quoi qu'en disent les ambitieux; le bien du corps, disons la race, comme dans la théorie des nazis; la culture ou autres biens de l'âme, comme pour Kant ou certains marxistes [°1458]. Ces exclusions vont de soi, pour une saine psychologie de notre volonté spirituelle.

§1067) 2. - Fin dernière subjective. Mais si, objectivement, Dieu est notre but, subjectivement, par quelles activités entrerons-nous en possession de ce bien définitif? Évidemment, par aucune activité sensible, incapable d'atteindre un objet tout spirituel comme Dieu: ce sera donc par la connaissance et l'amour spirituel, actes de notre intelligence et de notre volonté.

Entre ces deux fonctions, il y a un ordre: c'est d'abord et essentiellement par notre intelligence que nous atteignons notre but: notre fin dernière est en soi la contemplation et la louange de Dieu. La volonté a pour rôle, avant le terme, de nous y entraîner par le désir, et après l'arrivée, de nous épanouir par la jouissance et la joie: elle donne un complément de bonheur, d'ailleurs inséparable et nécessaire, comme une propriété jaillissant de l'essence, mais, enfin, un complément, gardant un rang secondaire.

Cette précision n'est pas inutile en face de certaines accusations d'égoïsme intentées à la morale traditionnelle [°1459]. Notre thèse met le but de la vie, non pas strictement dans notre bonheur, mais dans la gloire de Dieu, voulue pour elle-même d'une façon pleinement désintéressée [Cf. sur le désintéressement, §793], bien que, avec un sens aigu de l'humaine psychologie, elle lui unisse intimement notre bonheur; et loin d'en condamner la recherche, elle la loue, mais à son rang qui est le deuxième.

Nous rejoignons ainsi la thèse de théodicée donnant comme but à l'univers: la gloire de Dieu. Car la connaissance de Dieu ne peut être notre but suprême sans tendre à devenir contemplation habituelle; et comment fixer l'attention sur cette perfection suprême sans témoigner de son excellence, c'est-à-dire sans éclater en louanges? Or la gloire n'est rien d'autre que cette connaissance scandée par la louange: «clara cum laude notitia». Le but de la vie se résume donc en un mot, la gloire de Dieu [§1030].

C) Corollaires.

§1068) 1. - Intention dominatrice. Il n'est pas possible de donner deux buts pléniers à sa vie: si on ne veut pas de Dieu, il faut chercher, dans une créature, un succédané où l'on s'imaginera trouver la réalisation du bien absolu. Mais on a tort, et ce désordre s'appelle «péché mortel».

La détermination de ce but est une intention fondamentale qui domine, comme une direction toujours agissante, toutes les autres manifestations de délibération et de choix qui remplissent notre vie humaine: c'est la première démarche de toute vie morale.

L'importance et les modalités de cet acte fondamental découlent des lois psychologiques de la vie volontaire analysées plus haut [§761-807]. Notons d'abord qu'il s'enracine, pour ainsi dire, dans le mouvement volontaire indélibéré et instinctif qui nous porte vers le bonheur [§769]. Mais déjà, sous cette forme même de l'instinct, il a un objet concret, comme tout véritable acte de volonté [§806]. Il s'agit de la direction à donner à notre vie humaine, et non d'un problème spéculatif.

De là naît spontanément ce qu'on pourrait appeler le «premier cas de conscience» de la vie morale, qui se formulerait: «Où dois-je placer mon idéal de vie? Où est pour moi le bien qui me rendra heureux?». Ainsi la fin dernière «in concreto» devient l'objet d'un choix libre qui, une fois consenti, constitue l'intention fondamentale, puisque, par cet acte, notre volonté se porte, non seulement vers une fin à atteindre par des moyens [Cf. définition de l'intention, §767], mais vers ce que nous considérons désormais comme notre unique fin dernière.

Or, en nous orientant ainsi efficacement, comme le demande la nature du choix, vers notre but final, cette intention s'apparente à ce que nous avons appelé la «fruition» [§790-791]: elle est comme notre béatitude en désir et en réalisation progressive; c'est pourquoi elle participe aussi à la loi d'unité qui règle la fruition. En droit, tous nos autres actes de volonté sans exception, si nous sommes logiques avec nous-mêmes, en dépendent et nous conduisent au but choisi. En fait, à cause de la complexité de notre psychologie, il y a des exceptions, et l'intention fondamentale ne domine que «ut in pluribus» sur nos actes libres.

À ce point de vue de l'influence de l'intention, on en distingue trois formes: l'intention actuelle, virtuelle et habituelle; et les théologiens en ajoutent une quatrième: l'intention interprétative.

1. L'intention actuelle est celle qui est présente à l'esprit dans l'acte même produit sous son influence. On peut aussi l'appeler «intention explicite», tandis que les trois autres resteront implicites [Cf. définitions de l'implicite et de l'explicite, §587]. C'est la plus efficace, mais elle n'est pas toujours possible, surtout à l'égard de Dieu, fin dernière.

2. L'intention virtuelle est celle qui, ayant été consciemment fixée, continue à influencer le déroulement des actes de l'exécution conduisant vers le but, bien qu'on n'y pense plus en posant ces actes: par exemple, l'intention d'être avocat dirige bien toute l'activité de celui qui s'y prépare en faisant son droit, bien que souvent il ne pense qu'à l'intérêt immédiat de ses études. De même, tout en travaillant pour Dieu, on peut ne pas penser à lui, étant absorbé par l'activité présente.

3. L'intention habituelle est celle qui, une fois prise consciemment, demeure dans la subconscience et n'est pas rétractée, mais n'influence pas l'action qui se produit: par exemple, la même intention d'être avocat deviendra habituelle dans l'étudiant en vacances décidant un pèlerinage à Lourdes, s'il ne met aucun rapport entre les deux. Le choix du pèlerinage est en dehors du domaine de l'intention d'être avocat; mais celle-ci n'est pas pour cela détruite: elle reste habituelle. - Quand il s'agit de l'intention fondamentale d'une fin dernière, il semble plus difficile de produire un choix en marge d'elle, puisqu'elle domine en droit toute la vie. L'intention habituelle se réalise pourtant, mais dans le cas de la «fin dernière inefficace», comme nous l'expliquerons plus bas [§1069].

4. Enfin l'intention interprétative est celle qui n'a jamais été consciemment formée par le sujet, mais qu'il formulerait certainement, s'il en était capable. Un exemple très clair est fourni par le baptême des petits enfants: ceux-ci, par incapacité physique, n'ont formé aucune intention de recevoir le sacrement; mais s'ils connaissaient le sens de la cérémonie, ils l'accepteraient certainement. C'est pourquoi, en supposant que toute réception de sacrement suppose l'intention de le recevoir, on dit que les petits enfants baptisés ont une intention interprétative. - On pourrait encore citer le cas où l'on présume légitimement une permission: on met dans le supérieur l'«intention interprétative» de l'accorder.

D'après ces définitions, l'intention fondamentale d'atteindre notre fin dernière intervient en tous nos actes humains, non pas toujours comme actuelle, mais au moins comme virtuelle. Une intention privée d'influence ne suffirait pas. On n'est pas obligé, à chacun de ses actes, de penser explicitement à son idéal de vie. Mais il est nécessaire de se l'être une fois proposé explicitement, pour mener une vie proprement humaine, soumise à la responsabilité morale: c'est le moment où l'on sort de l'enfance pour entrer, au sens moral, dans «l'âge de raison», pour prendre réellement en main sa vie.

De nos jours, la philosophie existentialiste insiste sur l'importance de ce choix fondamental d'une destinée. Selon elle, on n'existe pas au sens propre comme homme, tant qu'on n'a pas formulé ce choix; et même pour les existentialistes les plus absolus, comme J.-P. Sartre, ce choix est le premier principe qui doit tout expliquer [PHDP, §645 (C)].

Sans approuver un tel excès totalement arbitraire [°1460], il faut reconnaître l'importance de cette première démarche de la vie morale. Il est peut-être difficile, psychologiquement, d'indiquer le moment précis où elle s'accomplit dans la vie de l'enfant qui devient homme: elle est d'ordinaire facilitée par l'éducation [°1461]. Mais elle est indispensable pour que commence la moralité. Elle redevient d'ailleurs très explicitement consciente, lorsque, dans une conscience adulte, l'homme décide de changer de fin dernière: résolution foncière qu'on appelle conversion (vers le bien), ou (vers le mal) péché mortel: et qui pose un problème dont nous parlons plus bas [§1098].

§1069) 2. - Fin dernière inefficace. En fait, néanmoins, tout en gardant une orientation essentielle vers un but (vers Dieu, par exemple), il arrive que certains actes, admis librement, devraient normalement conduire à une fin dernière autre; un bon chrétien fera un petit mensonge par vanité; mais, en matière grave, il ne voudrait jamais abandonner l'amour de Dieu pour l'amour de soi [°1462]. Illogisme pratique qui s'explique, en notre psychologie, par le caractère abstractif de notre raison: nous pouvons ainsi, en gardant d'une façon habituelle notre orientation décisive vers Dieu, «faire abstraction» de cette intention foncière, et juger pratiquement bon pour nous tel moyen inapte à conduire à cette fin. Ce moyen est alors ordonné à une autre fin dernière; mais celle-ci reste inefficace pour l'ensemble de la vie, parce qu'elle n'en change pas l'orientation et ne devient pas dominatrice.

Bref, nous ne pouvons avoir qu'une seule intention efficace et dominatrice, vers l'unique fin dernière adoptée comme idéal; mais nous pouvons en même temps, par une intention inefficace et illogique, nous orienter dans un acte, en passant, vers une autre fin dernière.

Thèse 2. 1) Le but de la vie ne peut être pleinement obtenu qu'après la mort. 2) Ici-bas, il se concrétise dans ce degré de perfection humaine que chacun peut atteindre grâce à l'entraide sociale, et qu'on appelle culture ou civilisation.

A) Explication.

§1070). Le but de la vie, dans son essence, paraît bien intellectualiste pour la psychologie humaine si profondément enracinée dans le corps. Quand peut-il être atteint? Ici-bas, pour réaliser à plein ce qu'on appelle «le bonheur», il faudrait un état où tous les besoins de notre nature sans exception seraient pleinement satisfaits dans un équilibre parfait, de façon à permettre l'épanouissement de la vie spirituelle, en harmonie avec les autres fonctions qui la favoriseraient sans jamais la gêner: c'est l'idéal des anciens: «mens sana in corpore sano». Ce serait, en un mot, l'état idéal, synthèse harmonieuse de tous les biens: «status omnium bonorum aggregatione perfectus» (Boèce). Idéal, on le voit, en même temps de bonheur subjectif et de perfection objective: car, au sommet, comme il ressort de la première proposition, il y a toujours correspondance rigoureuse entre bonheur et perfection [°1463].

Il semble aisé de prouver qu'un tel idéal est inaccessible ici-bas. La Philosophie morale nous jette ainsi, dès le seuil, dans le mystère de l'au-delà. Cependant, en étudiant la psychologie de l'âme séparée [§672, sq.], nous avons démontré dans l'ordre purement rationnel quelques thèses qui nous permettent d'esquisser ici une solution, en avouant que la lumière de la Foi peut seule dissiper pleinement certaines difficultés, parce qu'elle prolonge et achève par l'ordre gratuit de la grâce les solutions amorcées par la philosophie.

B) Preuve.

§1071) 1. - Le but dans l'au-delà. Le bonheur parfait, tel que la première thèse en trace l'idéal, supposerait d'abord une vie contemplative habituelle en plein épanouissement, et pour cela un ensemble de biens corporels indispensables - et surtout la stabilité dans cet état, avec la garantie de n'en jamais déchoir; car rien n'empoisonne un bonheur comme la crainte de le perdre: exigences très légitimes, certes, si l'on songe qu'il s'agit, pour répondre aux aspirations de notre vouloir, de concrétiser le bien absolu.

Or, ces trois conditions sont manifestement inaccessibles ici-bas: bien peu nombreux sont les hommes aptes à s'élever à l'état de contemplation habituelle de Dieu. Aristote, qui s'en rendait compte, réservait la «béatitude» à quelques privilégiés, hissés au sommet de la vie morale par la foule des «serviteurs», esclaves et ouvriers; mais c'est à chacun que le vrai but de la vie doit être normalement accessible.

La synthèse des biens inférieurs est plus irréalisable encore pour la plupart: la profession des médecins, toujours sur la brèche, le montre assez. Et tous les hommes, sans exception, aboutissent à la décrépitude de la vieillesse; si bien qu'à un moment de l'existence on semble s'éloigner du but.

Comment, dès lors, avoir jamais l'assurance de n'en point déchoir? Cette crainte peut même rester vis-à-vis de l'essentiel: la louange et l'amour de Dieu, qu'il est toujours possible ici-bas d'oublier, de rejeter.

Dans l'âme séparée, au contraire, le problème se simplifie. En même temps que du corps, elle est débarrassée de bien des conditions onéreuses d'équilibre: une seule aspiration demeure à combler: la soif du vrai et du bien, que comble l'amour et la contemplation de Dieu. Or, dans le miroir de sa nature spirituelle, elle peut, bien mieux qu'ici-bas, contempler son Dieu, l'aimer et le louer sans la distraction des besoins corporels désormais révolus, et rester éternellement dans cette bienheureuse activité [°1464].

On objectera que l'âme seule n'est point l'homme et que le bonheur semble tronqué, sans la participation des fonctions sensibles. À cette objection, la philosophie est impuissante à répondre adéquatement, semble-t-il [°1465]. On peut noter cependant que ce couronnement tout spiritualiste de notre destinée a, malgré tout, sa grandeur: il nous agrège au monde des esprits purs; il ramène à leur juste proportion les avantages terrestres qui ne sont plus que des moyens passagers, et il permet de tracer dans la vie fidèle à l'idéal moral une ligne toujours ascendante, même à travers les décadences corporelles de la vieillesse: parce que tout se résume ici-bas à préparer la contemplation stable de la vie éternelle.

§1072) 2. - Civilisation, but ici-bas. Si le bonheur dans la perfection achevée n'est que dans l'autre vie, la vie présente en est la préparation, par un progrès continu, une sorte d'actuation successive qui explicite toutes les richesses contenues virtuellement ou en puissance dans notre nature et ses facultés. Cet épanouissement par le devenir, le passage de la puissance à l'acte, est la loi de toute vie soumise à la matière. Au degré inférieur, elle se réalise inconsciemment, selon une loi nécessaire, en nous comme dans la plante; mais dans l'ordre supérieur de la moralité, la croissance est le fruit de notre libre action. Cet épanouissement est la formation de notre personnalité, dans le cadre de notre vocation, où la divine Providence nous assigne notre rôle propre, notre destinée, à savoir la part qui nous revient dans le cantique de l'Univers et de l'humanité proclamant la gloire de Dieu.

Nous avons là le but immédiat de la vie: il est complexe comme notre nature. Normalement, puisqu'il doit être la disposition conduisant à la perfection toute spirituelle de l'autre vie, son élément dominateur, auquel tout doit s'ordonner, sera la conquête d'un état où l'amour et la louange de Dieu seront notre habituelle jouissance: c'est la sagesse des anciens. Cette sagesse est faite de perfection intellectuelle autant que morale: aussi, pour se réaliser, demande-t-elle un progrès convenable d'ordre scientifique, artistique même, et surtout moral: la «maîtrise de soi», disait Socrate, est un échelon indispensable à l'épanouissement de la sagesse. Et enfin, puisque notre psychologie la plus haute reste, selon la loi naturelle, conditionnée par le bon état corporel, celui-ci est, à son tour; un élément requis, ce qui légitime toutes les préoccupations de culture physique et d'amélioration de l'ordre économique.

Mais, comme nous le montrerons mieux plus tard, l'homme, réduit à ses seules forces individuelles, est incapable d'acquérir convenablement la perfection sous ces divers aspects: l'entraide sociale lui est nécessaire. Et c'est précisément ce qu'on nomme «civilisation ou culture»: ce degré supérieur de perfection humaine que chacun peut atteindre par l'entraide sociale [°1466].

Ainsi donc, cinq ordres principaux constituent ce but immédiat de la vie, préparation au but définitif:

1. L'ordre économique et la culture physique, bases indispensables de la vie corporelle [°1467].

2. L'ordre moral [°1468], dispositions requises à la vie contemplative.

3. L'ordre scientifique et artistique, préparations intellectuelles directes au but suprême.

4. L'ordre social et politique, avec ses puissants compléments d'entraide.

5. L'ordre religieux, le plus élevé, parce qu'il comprend le but: la gloire de Dieu.

Ainsi, tous ces ordres sont harmonieusement hiérarchisés pour favoriser le plein épanouissement de la connaissance et de l'amour de Dieu, sommet dominateur vers lequel chacun de nos actes doit s'orienter.

La morale entière n'est que l'explication de cette riche synthèse qui résume tous les aspects de bonté et de perfection de la vie et de l'activité humaine, et qui constitue la civilisation.

C) Corollaire.

§1073) Civilisation et culture. Plusieurs auteurs distinguent ces deux notions, attribuant à la première le progrès d'ordre matériel, de la vie économique, avec toutes les inventions de la technique moderne; et à la seconde le progrès spirituel, surtout d'ordre moral et religieux [°1469]. Mais si l'on veut donner aux mots leur plein sens de vérité, le progrès de la vie matérielle ne sera vraiment humain que s'il favorise la vie spirituelle; et celle-ci, en se développant normalement, ne pourra que favoriser l'expansion de la vie économique en ce qu'elle a de légitime. Ainsi les deux notions, à la limite, se rejoignent, et l'usage tend invinciblement à les confondre. Il nous semble donc préférable de les prendre comme synonymes, pour désigner précisément «ce degré spécial de perfection conquis par l'homme, grâce à l'entraide sociale». La civilisation ou la culture sera une synthèse plus ou moins harmonieuse des cinq ordres analysés, mettant l'accent sur l'un ou l'autre des éléments, ce qui permettra de juger de sa vraie valeur.

Article 2. la loi et la conscience.

b98) Bibliographie spéciale (La loi et la conscience)

Thèse 3. 1) La loi morale naturelle n'est que l'expression, en notre vie intérieure, de la loi éternelle de la divine Providence, manifestée par les orientations foncières de notre nature, qui nous est promulguée comme un ordre divin par la conscience que nous en prenons. 2) Cette loi éternelle, plan de la Sagesse divine ordonnant tout l'univers, et spécialement l'humanité, à proclamer la gloire de Dieu, est ainsi la règle suprême de toute moralité.

1) La loi naturelle.

A) Explication.

§1074). La loi en général est un ordre rationnel qui nous rend une chose intelligible et dirige notre action en son endroit. On en distingue d'abord deux grandes classes: les lois physiques, et les lois morales.

La loi physique est un ordre rationnel s'imposant aux choses d'une façon nécessaire, selon les règles du déterminisme de la nature [°1470]. La loi morale est un ordre rationnel à réaliser par les activités libres de l'homme ou de l'être moral.

Mais ces deux formes se rejoignent, comme en leur source unique, dans la divine Providence, dont la sagesse ordonne toute chose à sa fin, c'est-à-dire à la gloire de Dieu, les créatures libres comme les autres, en respectant d'ailleurs leur liberté [§1048 et §1051]. Dans cette vue synthétique, la loi peut se comprendre de deux façons: activement dans le législateur, passivement dans le sujet qui doit s'y conformer.

Nous ne considérons ici que la loi morale. Prise activement en Dieu, c'est la loi éternelle [§1052], qu'il faut définir: l'ordre de la divine Sagesse, selon lequel la Providence dirige l'humanité à sa fin dernière. Cette fin dernière, nous l'avons dit, est à la fois la perfection suprême de l'univers: la gloire de Dieu, et le bonheur définitif de l'homme: le bien commun [°1471] de l'humanité.

Or, ce que Dieu réalise pour l'humanité entière, comme chef de ce que saint Augustin appelle la Cité de Dieu, certains hommes peuvent aussi le réaliser sur un plan plus modeste: ainsi, le patriarche dans son clan, ou notre actuel chef de famille ou de parti; et spécialement, les chefs de peuples. Il faudra établir plus loin la légitimité de ces groupements sociaux; mais il apparaît dès maintenant qu'ils supposent tous la poursuite d'un bien commun, analogue au but de la Providence: et ils y tendent par l'établissement de lois humaines; en sorte que nous pouvons établir une définition générale de la loi morale prise activement, en Dieu ou dans le législateur humain. Elle est un «ordre de la raison en vue d'un bien commun, notifié par le chef de la communauté» [°1472].

L'acte par lequel la loi morale est notifiée aux sujets qui doivent l'exécuter s'appelle la promulgation. Elle est indispensable, parce que la loi morale est une règle imposée à des activités libres, et celles-ci relèvent d'un principe qui ne se meut qu'au moyen de la connaissance (appetitus elicitus - rationalis).

Mais la loi se prend aussi subjectivement, et c'est en ce sens que la première partie de la thèse définit la loi naturelle.

B) Preuve.

§1075). On considère la loi naturelle comme la direction même de la Raison divine, en tant que tout homme adulte, capable de diriger sa vie, peut en prendre connaissance.

Or, d'une part, les orientations foncières de notre nature (comme le droit de vivre, l'exigence du vrai) expriment incontestablement les volontés du Créateur, comme une machine porte, inscrit en son mécanisme, l'idéal voulu par l'ingénieur. D'autre part, ces orientations naturelles, selon leurs caractéristiques propres et leurs harmonies mutuelles, sont d'elles-mêmes accessibles à notre connaissance. C'est l'exercice de la conscience psychologique, non seulement sensible, mais intellectuelle, qui permet de s'en rendre compte; et tout homme normal, en devenant adulte, est spontanément incliné à se connaître assez pour se conduire consciemment selon les exigences de sa personnalité libre et morale.

Tout homme porte donc en soi une vraie loi morale naturelle.

2) La règle suprême de moralité.

A) Explication.

§1076). La moralité est le caractère de bien ou de mal que possède tout acte de volonté délibérée. Notre activité humaine ne possède pas par elle-même cette qualité: il ne nous suffit pas d'agir en tant qu'homme pour que notre conduite soit morale. Il y a donc une règle, et finalement une règle suprême, c'est-à-dire un principe d'où nos actes tirent par participation leur bonté morale. Ce principe, nos analyses l'ont mis en lumière, c'est la fin dernière: tout acte humain est bon ou mauvais suivant qu'il nous ordonne ou non à la vraie fin dernière, soit directement par l'intention ou la jouissance, soit indirectement par le choix d'un moyen apte à y conduire. D'où la preuve de notre thèse.

B) Preuve.

§1077). La règle suprême de la moralité est l'ordination à la fin dernière véritable qui est la gloire de Dieu.

Or, cette ordination est l'oeuvre de la divine Providence, gouvernant le monde et spécialement les hommes selon le plan de la loi éternelle, dont la loi naturelle n'est en nous que le reflet.

La loi éternelle est donc bien la règle suprême de moralité.

C) Corollaires.

§1078) 1. - Faux systèmes de morale. Notre thèse nous permet de redresser bon nombre de systèmes de morale qui pèchent par la base, en s'en rapportant à une autre règle suprême de moralité. Ainsi, le libéralisme absolu, souvent vécu sans se raisonner, qui proclame moral tout acte, pourvu qu'il soit libre. L'épicurisme [PHDP, §111] et toutes les formes de l'utilitarisme [PHDP, §487 (c), le système de Stuart Mill, le mieux élaboré] qui rabaissent l'idéal moral à la poursuite du plaisir. Le stoïcisme [PHDP, §98], plus noble, qui le met dans le règne de la raison, et auquel s'apparente le kantisme [PHDP, §410, sq.] avec sa règle suprême: «Le devoir pour le devoir». La morale évolutionniste [PHDP, §480 (d)] qui prend comme norme le progrès de l'humanité, et qui conduit logiquement à la morale sociale de Durkheim [PHDP, §516-518], etc.

§1079) 2. - Préceptes de la loi naturelle. «Suivre la nature»: cette règle peut être bien comprise, et très légitime, à condition de prendre «inclination naturelle» dans le sens d'orientation foncière interprétée par la droite raison. On trouve ainsi la règle fondamentale du bon sens moral que personne ne discute: Il faut faire le bien et éviter le mal.

Mais il y a aussi des conclusions qui découlent de ce principe premier. Les unes, conclusions premières, en sortent avec pleine évidence, en sorte qu'elles sont admises universellement, et participent aux caractères d'immuable nécessité de la nature même. Les autres, conclusions secondaires, y participent avec moins de clarté, à cause de leur objet plus complexe, en sorte qu'on peut y rencontrer des exceptions légitimes, suivant les circonstances. Les préceptes premiers concernent l'obtention même de la fin; les préceptes secondaires ne regardent que ce qui permet de l'atteindre mieux. La suite nous fournira plusieurs exemples de ces conclusions [°1473]. Signalons ici les trois grandes conclusions qui jaillissent des trois aspects fonciers de notre nature. De l'instinct de conservation, inhérent à tout être, découle le précepte de ne pas se donner la mort. De la tendance du vivant à se reproduire, découlent les lois du mariage. Des aspirations spirituelles de notre intelligence, découle la règle de chercher et de dire la vérité, et de respecter la dignité de la personne humaine.

§1080) 3. - Diverses lois. Notre définition synthétique de la loi la rattache directement à la notion de bien commun et à la thèse de la divine Providence, source de l'unique bien commun de l'humanité: la gloire de Dieu. Seul ce principe fondamental peut éclairer toutes les conclusions des légistes, en donnant à chaque loi une pleine raison d'être qui en mesure exactement la valeur. Donnons ici les grandes divisions de ces diverses lois découlant toutes de la loi éternelle.

À la loi naturelle, que nous avons définie, s'oppose la loi positive: c'est celle qui est promulguée par un acte spécial du législateur: soit une révélation divine (loi divine positive), soit un procédé humain, proclamation, journal officiel, etc. (loi positive humaine); et celle-ci sera ecclésiastique ou civile, suivant le législateur: autorité religieuse ou autorité civile.

Mais il faut encore distinguer la loi essentiellement ou accidentellement positive: la première a pour objet des prescriptions vraiment nouvelles, qu'on ne pourrait déduire de la loi naturelle; la seconde se contente de rappeler les prescriptions déjà contenues dans la loi naturelle. La plupart des lois civiles légitimes sont du premier genre: elles ne se rattachent donc à la loi naturelle qu'indirectement; par l'intermédiaire du bien commun, leur but, auquel nous ordonne aussi la loi naturelle.

Thèse 4. 1) L'obligation morale est le caractère de tout acte ordonné par une loi. 2) Elle entraîne la légitimité des sanctions.

1) L'obligation morale.

A) Explication.

§1081). Dans les traités modernes de morale, surtout depuis Kant, la notion d'obligation ou de devoir, et corrélativement celle de sanction, sont à l'avant-plan; ce sont des faits primordiaux universellement admis [°1474], que la théorie ou système de morale doit expliquer. Dans la perspective traditionnelle, au contraire, ces faits incontestables se présentent comme de simples corollaires de thèses fondamentales qui les expliquent sans effort. Mais pour montrer notre accord avec la mentalité moderne en ce qu'elle a de légitime, nous commencerons par analyser l'obligation comme fait d'expérience.

À ce point de vue, elle apparaît comme une synthèse de deux propriétés de prime abord opposées: liberté et nécessité. Si, par exemple, on traîne un malfaiteur en prison, il subit une nécessité physique, mais on ne peut parler d'obligation morale, parce qu'il n'y va pas librement. Pourtant, si un fervent chrétien se rend spontanément à la Messe en semaine [°1475], il agit très librement sans obligation morale, parce qu'il n'y a pour lui aucune nécessité. On pourrait donc définir l'obligation: la nécessité respectueuse de la liberté.

Pour analyser plus profondément cette étonnante synthèse; notons que la nécessité d'agir peut avoir deux sources: le sujet ou l'objet. Subjectivement, la nécessité suppose un principe d'action, un appétit saturé par l'influence du bien qui le sollicite, comme il advient dans l'instinct animal: et cette nécessité exclut la liberté, et par le fait l'obligation morale.

Mais objectivement, lorsqu'il s'agit d'un principe d'action (appétit) conscient, la nécessité peut jaillir d'un lien reconnu nécessaire entre tel moyen et tel but désiré: et si le but lui-même apparaît comme absolument nécessaire, nous avons toutes les conditions requises pour réaliser le fait de l'obligation. Supposé, par exemple, que l'homme, par nécessité de nature, tende au bien, en prenant celui-ci comme bien absolu en général, et qu'il apparaisse clairement que pour atteindre ce bien une vie sobre est indispensable, cette vie se manifestera comme obligatoire. En effet, d'une part, le lien entre cette vie sobre et la fin absolument requise explique le caractère de nécessité; et d'autre part, ce lien restant dans l'objet connu, ne supprime pas la possibilité psychologique de juger ce moyen spécial non nécessaire, puisqu'il ne s'identifie pas avec le bien absolu, et la liberté de l'acte reste sauve.

Il faut, disons-nous, que la fin s'impose absolument; sinon, il n'y aurait plus qu'une nécessité relative, un impératif hypothétique, dirait Kant, et non pas cet impératif catégorique, marque propre de l'obligation morale. Si je veux être riche, je dois travailler ferme; mais je n'y suis pas «obligé moralement», comme je le suis de travailler pour vivre honnêtement. Ainsi la tendance naturelle au bien qui est le fond essentiel de notre volonté, est comme la base présupposée de l'obligation: celle-ci est la qualité propre du choix de certains moyens jugés indispensables à cette fin. Elle se définira donc: «la nécessité objective qui s'attache au choix libre de certains moyens apparaissant comme liés nécessairement à l'obtention du but de la vie qui s'impose absolument». C'est «la forme particulière que prend la nécessité quand elle se réalise au sein même de la liberté» [°1476].

B) Preuve.

§1082). Il suffit maintenant de constater que tout acte ordonné par une loi telle que nous l'avons définie, réalise les deux conditions requises par l'obligation morale.

1. Il est libre, psychologiquement, car il s'agit toujours d'un moyen, dont le choix est le domaine propre de la liberté.

2. Il est objectivement nécessaire, car la loi a pour but de déterminer précisément quels sont les moyens indispensables pour procurer le bien commun. Quant à celui-ci, considéré comme fin dernière de l'univers déterminée par la divine Providence, il s'impose d'une façon absolue, car Dieu ne peut pas sans se contredire lui-même ne pas vouloir sa gloire. Et les autres lois ne sont légitimes que dans la mesure où le bien commun moins universel auquel elles ordonnent, est lui-même lié nécessairement au but suprême qui s'impose à tous.

L'obligation morale est donc le caractère de tout acte ordonné par une loi.

2) La sanction morale.

A) Explication.

§1083). L'idée de sanction est universellement rattachée à celle de loi. C'est proprement «une récompense ou une peine attachée par le législateur à l'observation ou à la transgression de sa loi»: la récompense impliquant un bien qu'on reçoit avec joie, et la peine, une privation de bien qu'on ressent avec tristesse ou souffrance. Nous rejoignons ici la perspective traditionnelle où le but de la vie est le bonheur. Mais, grâce à l'équation fondamentale: «perfection égale bonheur», et grâce au lien que nous venons d'établir entre loi obligatoire et but de la vie, ces notions de sens commun trouvent leur pleine justification scientifique.

Mais distinguons soigneusement sanction naturelle et sanction positive. La première découle nécessairement de l'observation ou transgression de la loi, comme un effet de sa cause: telle une maladie vénérienne, punition de l'impureté; la seconde est établie arbitrairement par le législateur, comme un emprisonnement pour un outrage aux bonnes moeurs.

Il est aisé de prouver que l'une et l'autre découlent de l'idée de loi.

B) Preuve.

§1084). La sanction suprême de la vie ne peut être que le bonheur parfait (fin dernière) définitivement conquis ou perdu.

Or, la notion même de loi naturelle, expression de la loi éternelle de la divine Providence, requiert que son observation entraîne, comme un effet nécessaire, la plus grande gloire de Dieu, c'est-à-dire la béatitude, comme sa transgression en éloigne infailliblement.

Telle est donc la sanction naturelle dont est munie la loi morale fondamentale: c'est en ce sens parfaitement rationnel qu'il faut comprendre en philosophie la menace de damnation ou la promesse de vie heureuse que Dieu adresse au bon ou au méchant. D'ailleurs, le dogme du ciel et de l'enfer, bien compris, réalise cette conception fondamentale: mais il y intègre des données d'ordre surnaturel - grâce sanctifiante et vision béatifique - qui échappent aux investigations philosophiques, sans les nier d'ailleurs, mais en les complétant harmonieusement.

Quant aux sanctions positives, elles n'ont cours que pour les lois humaines [°1477], et elles se justifient dans la mesure où le bien commun de la société est mieux obtenu, en soutenant le bon vouloir des citoyens honnêtes par l'espoir de récompenses, et surtout en refreinant les passions des mauvais par la peur des châtiments, amendes, prison, etc.

C'est donc le bien commun, fondement de la loi, qui permet de lui rattacher la sanction, même positive, comme un corollaire légitime.

C) Corollaires.

§1085) 1. - Dieu, fondement de l'obligation. En rattachant l'obligation à la loi éternelle, on évite les inextricables difficultés où ont échoué les autres morales: car seule l'influence suréminente du Créateur explique sans heurt cette synthèse de nécessité et de liberté reconnue par le sens commun [°1478]. Dieu est seul capable de fonder l'obligation morale.

§1086) 2. - Responsabilité. La notion morale de responsabilité se rattache étroitement à la loi et à l'obligation: on peut la définir «la disposition par laquelle un agent libre se trouve obligé d'accepter les conséquences morales de ses actes». On distingue, au sens large, la responsabilité purement légale, qui est l'obligation fondée sur le bien commun, comme la loi, de subir les sanctions positives prévues; - et au sens propre, la responsabilité morale qui suppose les mêmes conditions que la moralité: une science suffisante et une vraie liberté. La responsabilité morale est la «situation d'un agent conscient à l'égard des actes qu'il a réellement voulus; elle consiste en ce qu'il peut alors, devant tout être raisonnable, en donner les motifs, et qu'il doit suivant la valeur et la nature de ceux-ci encourir le blâme ou l'estime qui s'y attache» [°1479].

La conscience de la responsabilité s'accompagne souvent de dispositions affectives, appelées «sentiment de la responsabilité», et qui prennent la forme de remords lorsqu'il s'agit de faute, surtout si l'agent les considère comme graves. Mais on ne peut, comme Stuart Mill [PHDP, §487 (c)], ramener toute l'essence de la responsabilité à ces phénomènes affectifs qui en sont simplement un effet possible.

§1087) 3. - Lois pénales. Le domaine de l'obligation est coextensif à celui de la loi, mais non à celui de la moralité. Toute loi vraie est moralement obligatoire: si une de ses prescriptions était contre le bien commun, elle ne serait qu'une tyrannie sans efficacité morale. Et c'est aussi ce qui justifie l'existence d'une peine infligée au transgresseur. Il semble donc que la notion de loi purement pénale, qui obligerait moralement non pas à faire ce qu'elle prescrit, mais bien à subir la peine, si on est pris à la transgresser, manque totalement de logique. Elle est avancée par les casuistes, embarrassés de certaines réglementations; comme droit de chasse, etc., qui dans leur ensemble paraissent raisonnables, mais dont la transgression ne semble pas s'opposer clairement au bien commun. Il ne serait pas raisonnable, en effet, d'attacher à de telles lois la même rigueur qu'à d'autres plus importantes, comme la détermination des contrats, par exemple. Mais pour sauvegarder la souplesse des applications pratiques, il suffit de faire appel à l'interprétation, raisonnablement permise, constatant que, tout bien considéré, la loi n'oblige pas en telle circonstance. Ces exceptions peuvent se rencontrer en plusieurs lois, mais on appelle «loi pénale» la loi où ces exceptions se rencontrent plus fréquemment, en sorte que le législateur doit les munir de peines plus fortes pour empêcher que les exceptions en se multipliant ne détruisent la loi. Mais cette loi, comme toutes les autres, est de soi obligatoire.

Ici apparaît le rôle de la conscience pour déterminer l'extension de l'obligation ou du devoir: le sens commun le reconnaît si bien que l'on parle d'ordinaire d'obligation de conscience pour définir une vraie obligation morale.

Le domaine de la conscience coïncide avec celui de la moralité, mais il déborde celui de l'obligation ou du devoir, comme va l'établir mieux la proposition suivante.

Thèse 5. La conscience est la règle prochaine de moralité: elle détermine infailliblement la bonté de l'acte humain, à condition d'être droite et certaine.

A) Explication.

§1088). Il ne s'agit pas ici de la conscience analysée en psychologie, mais de la conscience morale: fonction de l'intelligence pratique par laquelle nous jugeons que notre activité humaine est bonne ou mauvaise moralement. Elle peut s'exercer sur notre vie passée, et elle en est le juge sévère et la première sanction naturelle, condamnant le mal et lui infligeant la peine du remords; approuvant le bien avec la joie d'une bonne conscience. Elle s'exerce aussi sur l'acte à poser présentement (hic et nunc), et c'est là surtout qu'elle joue le rôle de règle prochaine de moralité.

À condition cependant d'être droite et certaine, c'est-à-dire à condition d'apprécier la valeur de notre acte d'après son aptitude réelle à nous conduire à la fin dernière véritable, en sorte que, tout bien considéré, cette aptitude apparaisse avec certitude.

B) Preuve.

§1089). Un acte humain sera infailliblement bon moralement dans la mesure où son objet sera un moyen réellement apte à procurer la gloire de Dieu: en d'autres termes, dans la mesure où il est conforme à la règle suprême de moralité.

Or, notre action ne peut revêtir cette conformité que par l'intermédiaire du jugement de notre raison pratique. Telle est la loi même, et la noblesse de notre vie humaine: en dernier ressort, le choix d'un acte humain et l'appréciation quant à sa valeur de bien ou de mal relèvent uniquement de notre libre personnalité, concentrée dans l'ordre final d'agir, l'«imperium» qui clôt la délibération [Cf. l'analyse de l'acte humain, §775]. Et précisément, ce jugement pratique prononcé à la lumière du véritable idéal moral, s'appelle conscience droite et certaine.

Celle-ci détermine donc bien la bonté morale de notre action, jouant ainsi le rôle de règle prochaine de moralité.

C) Corollaires.

§1090) 1. - Conscience, loi, devoir, moralité. Si la conscience est la règle prochaine de moralité, il est clair que leur domaine coïncide. Mais si tout ce que la loi prescrit comme un devoir est évidemment approuvé par la conscience, rien n'empêche que certains moyens, sans être indispensables, ni donc obligatoires, apparaissent comme aptes et même plus aptes à conduire au but de la vie: de là ces actions héroïques, unanimement approuvées, qui pourtant ne sont commandées par aucune loi: la bonté morale déborde l'obligation.

Au contraire, tout mal moral ou péché est nécessairement contre une loi, un manquement au devoir, car si on n'omet pas un moyen nécessaire, il y a peut-être moindre bien, mais l'acte reste moralement bon.

§1091) 2. - Acte mauvais et culpabilité [°1480]. Le rôle de la conscience fonde la responsabilité personnelle, qu'il n'est jamais permis d'abdiquer: avant d'agir, on doit toujours «se former la conscience», de façon qu'elle soit droite et certaine. Ici intervient la possibilité d'ignorance ou d'erreur, surtout en certains cas plus complexes. Si ces défauts sont eux-mêmes volontaires, c'est-à-dire si l'on manque d'une information qu'on avait pu et dû acquérir, la responsabilité demeure engagée, et, tout en suivant sa conscience, on agit mal. Mais si ces défauts sont dus à des circonstances indépendantes de la volonté, on est alors «de bonne foi». «Si la raison ou la conscience se trompe volontairement, soit directement, soit indirectement, par une erreur portant sur ce qu'on est tenu de savoir, une telle erreur n'excuse pas du mal la volonté qui agit conformément à cette raison ou conscience erronée. Mais, si l'erreur qui cause l'involontaire provient de l'ignorance d'une circonstance quelconque, sans qu'il y ait eu négligence, cette erreur excuse du mal.»

Par contre, «le mal commis à cause d'une ignorance invincible ou d'une erreur de jugement non coupable peut ne pas être imputable à la personne qui le commet; mais, même dans ce cas, il n'en demeure pas moins un mal, un désordre par rapport à la vérité sur le bien» [°1481].

§1092) 3. - Moralité intérieure et Indifférence morale. Si la conscience est la règle prochaine de moralité, celle-ci est principalement intérieure.

On distingue, en effet, deux parties dans l'activité humaine. La première est l'activité intérieure: celle qui est immédiatement exercée par la volonté délibérée; la seconde est l'activité extérieure: elle est constituée par toutes les fonctions qui exécutent, sous le commandement de la raison pratique, l'action choisie. Par exemple, dans un acte d'aumône, l'intention qui l'inspire (amour de Dieu, ou vanité) appartient à l'acte intérieur; le geste de transmettre un bien est l'acte extérieur. Celui-ci, remarquons-le, reste parfois dans la conscience, au moins en partie: si, par ex., on décide de composer un poème, le travail d'intelligence, d'imagination créatrice, etc.; appartient à l'activité extérieure, c'est-à-dire à l'acte impéré, qui vient comme une exécution, après l'intention et la décision de la volonté délibérée.

L'acte intérieur, on le voit, réalise la définition même de l'acte humain; c'est pourquoi il contient l'essence même de la moralité. Celle-ci dépend avant tout de l'intention qui nous entraîne vers le véritable but de la vie, et du choix consciencieux d'un moyen apte vraiment à nous y conduire, c'est-à-dire d'un acte intrinsèquement bon. Mais on pourra être empêché d'agir extérieurement, par exemple pour l'aumône, si au moment de donner de l'argent au pauvre, on s'aperçoit qu'on s'est fait voler notre portefeuille [°1481.1].

L'acte extérieur ne sera bon ou mauvais moralement que par participation; aussi pourra-t-il parfois, considéré en lui-même, rester indifférent, s'il n'a aucun rapport spécial avec la règle des moeurs: ainsi l'acte de marcher, de chanter, etc. Mais en réalité, il ne se réalise jamais tel quel: il fait nécessairement partie, s'il est un acte humain, d'un tout formé d'une intention et d'une exécution; et en se trouvant ainsi ordonné à une fin, tout acte acquiert une valeur morale. Il n'y a point d'acte indifférent en réalité, in concreto.

Pour constituer l'acte bon, les divers éléments de notre psychologie très complexe ont donc chacun leur rôle à jouer. La volonté délibérée ne peut diriger l'exécution de l'acte externe qu'en se servant du mécanisme de la vie sensible, instinct, sens internes et externes et passions, et en en respectant les lois. De leur côté, ces fonctions inférieures, douées d'un dynamisme propre, réagissent nécessairement sur les facultés directrices, raison et volonté, et peuvent être pour la conscience morale ou précieuses auxiliaires, ou cause de troubles plus ou moins graves [°1482]. Mais le bien étant par définition fondé sur la perfection, il suffit d'un défaut dans l'une ou l'autre pièce du mécanisme complexe pour que l'action totale soit moralement mauvaise. Une riche aumône faite uniquement par vanité perdra sa valeur et sera un péché.

En fait, cependant, dans notre psychologie complexe, la pleine logique est rare: de même qu'il peut y avoir mélange indu de deux intentions vers la fin dernière [§1069] ainsi le même acte physique peut être informé de deux moralités opposées: l'aumône, par ex., restera pour l'essentiel un acte bon informé par l'amour de Dieu; mais ce même acte deviendra prétexte à vanité, fruit d'une intention égoïste opposée à la première, mais secondaire, inefficace. Ainsi la valeur de l'acte n'est pas totalement détruite, mais diminuée. Pourtant, le principe reste ferme: Le bien requiert l'intégrité des éléments; le mal vient de n'importe quel défaut. «Bonum ex integra causa, malum ex quolibet defectu».

§1093) 4. Formation de la conscience. Tout dépend donc en définitive du verdict de la conscience, convenablement éclairée par la connaissance du véritable idéal de vie et de la loi qui en trace la route; et fortifiée par l'habitude dans l'exécution fidèle de ses ordres, malgré les difficultés et les complications des influences internes et externes, psychologiques, sociales et physiques, au milieu desquelles se déploie l'activité et la vie humaine. Aussi le problème primordial de la morale est-il celui de la formation de la conscience, afin que toujours et spontanément elle juge avec rectitude et fermeté et s'oriente vers le meilleur. Mais dans l'ordre pratique où nous sommes ici, c'est en agissant que l'on comprend: il s'agit surtout d'acquérir les bonnes habitudes en évitant les mauvaises. D'où l'article suivant.

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